Que faire quand des inversions sont devenues banales

Article : Que faire quand des inversions sont devenues banales
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22 février 2013

Que faire quand des inversions sont devenues banales

Le président et sa femme : Carnaval 2013 (Cap-Haïtien)
Le président et sa femme : Carnaval 2013

Que faire quand le rire et la moquerie se reproduisent tous les jours au sein même du secteur public en Haïti ? Les 10, 11 et 12 février 2013 au Cap-Haïtien, nous n’y étions pas, mais nous avons compris, du moins en théorie.

Le philosophe du langage et de la théorie littéraire russe Mikhail Bakhtine, dans un de ses ouvrages sur la culture populaire, a examiné le carnaval du point de vue de l’émission, sans rampe et sans division entre l’acteur et le spectateur.

En outre, entre mille essais de définition, le carnaval serait aussi ce lieu subtil, parfois sarcastique, pour contester et dire son ras-le-bol dans la joie, en prélude des réjouissances populaires face à une culture officielle hégémonique, répressive à l’image hideuse d’un régime autoritaire.

Historiquement, le carnaval remonte aux fêtes païennes de l’antiquité classique. Dans ces fêtes ont été célébrées les dilutions temporaires, des différences entre les riches et les pauvres, l’absence de distinction entre le beau et le grotesque, voire l’effacement des frontières entre le sacré et le profane à travers des masques, au-delà de toutes natures.

Les particuliers pourraient prendre d’autres identités, offrant une alternative différente aux existences quotidiennes. Le carnaval serait donc une partie des inversions. Mais parlant d’inversions, que faire quand elles sont devenues plus ou moins banales ?

Quand tous, par exemple, ont été dit ou été fait juste pour le rire et quand la moquerie, le risible, le ridicule ne cessent de se reproduire à longueur de journée au timon des affaires de l’État et dans la vie nationale elle-même ? Ce serait alors une indication que le carnaval en Haïti se reproduit continuellement «Non-Stop» toute l’année ?

On n’a pas besoin de dresser la longue liste d’idioties spécifiques, il fallait juste suivre l’actualité haïtienne des derniers jours pour avoir une idée aussi lucide qu’objective.

Enfin, il sera nécessaire que le carnaval soit une fête véritablement démocratique dans ce pays, pour une toute première fois, au moins, avec la liberté d’expression nécessaire et de la tolérance, sans aucune censure pour ceux qui aiment dire la vérité telle qu’elle est, comme pour ceux qui aiment en profiter, ou même ceux qui préfèrent garder le silence.

Parce que les folies sont aussi utiles pour ceux qui aiment danser les rythmes endiablés des musiques préfabriquées des trois jours gras, autant que pour ceux qui ont besoin d’une pause dans le carnaval continuel qu’on se trouve confronté le plus souvent.

Certaines personnes pensent que la politique est constituée d’un antagonisme entre l’amitié et l’inimitié, que la dissidence et l’opposition sont des fins en elles-mêmes et ne signifient pas d’exprimer des opinions distinctes sur le bien commun par amour pour la citée (le pays).

Le but ultime de la dissidence n’est pas de montrer que telle ou telle faction possède la vérité, mais le fait est de réaliser le bien commun. En Haïti, il s’agit d’une vision déformée de la politique. Seuls ceux et celles qui aiment le pays sont capables de surmonter leurs différences et de s’unir autour pour le bien de tous ceux et de toutes celles qui y vivent.

Pour arriver à ses fins, le pays a besoin d’unité autour de la foi civique dans la liberté commune mais aussi du pluralisme, d’être en accord et de s’opposer certaines fois. Le leader qui va à l’encontre du pluralisme et de ses principes en essayant d’instaurer la censure va à l’encontre même de la démocratie et du pays qu’il dirige.

En tout état ​​de cause, pour une année prochaine beaucoup plus rose, on souhaite voir plus de respect mutuel, plus de liberté d’expression, pour le bien-être assuré des danseurs, des chanteurs, des musiciens et du pays aguerri; afin de retrouver la joie rafraîchissante, et une certaine agilité aux voix des sambas de nos bandes à pied.-

Thélyson Orélien

Montréal, 12 Février 2013

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