Le Cas Suprenant

Article : Le Cas Suprenant
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14 novembre 2012

Le Cas Suprenant

Gilles Surprenant – Image vidéo
Gilles Surprenant – Image vidéo

Par Thélyson Orélien

LaPresse.ca

« Je voudrais simplement m’excuser auprès de la population et dire que je regrette sincèrement tout ce que j’ai fait ». C’est par cette déclaration que l’ex-ingénieur de la Ville de Montréal Gilles Surprenant a conclu son témoignage-choc devant la commission Charbonneau. Après quatre jours de témoignages au cours desquels il a admis avoir reçu des pots-de-vin de plus de 700 000$.

Bien qu’il ait admis tous ses crimes. Monsieur Surprenant nie aussi de toutes petites allégations par le biais de quelques-unes de ses déclarations, des choses qu’il ne savait pas, ou quelques choses que sa mémoire a échappées, tout en rejetant la faute sur les entrepreneurs, il a admis ne pas connaître par coeur le code de l’éthique de sa profession d’ingénieur.

Malgré qu’il n’ait pas eu de problèmes économiques, de drogues ou de santé, il admet que le fait de s’enrichir davantage est une simple erreur de jugement venant de sa part. Car «Tout le monde prenait de l’argent autour de moi. Il y avait un système. J’étais mal placé pour appeler la police.»

Ainsi, quelques-uns pensent qu’il n’était pas au courant de ce qui se passait dans son entourage et pour quelques autres, ce n’était pas sa faute s’il était victime d’un système corrompu et bien implanté depuis des décennies. Ceci dit aussi pour des politiciens. Cette triste partition de la banalité de la corruption dans la société québécoise contemporaine, Gilles Vigneault l’aurait chantée avec des larmes.

Mais d’une façon ou d’une autre, il y a une sorte de morale que le Québec m’a apprise de lui et de son mode de fonctionnement, parmi les valeurs d’éthique et de solidarité qu’on m’a inculquées là-bas, au pays natal; en tant qu’immigré, que l’intégration soit difficile ou pas, c’est qu’elle donne la chance à ses jeunes gens de rêver. Peut-on parler dans ce cas du «rêve québécois»?

Je ne vérifie pas encore, mais, paraît-il qu’ici il faut avant toute chose, penser à investir en soi-même, à prendre le chemin de l’école d’abord avant de penser à réussir dans la vie comme il faut, et en toute honnêteté. Il faut avoir peur des bandits à cravates diraient d’autres. Car, à ce qu’il paraît; mes yeux me disent, que si votre espoir est dans le favoritisme  »du contact » comme on dit, vous faites fausse route, vous serez tôt ou tard appréhendé par une sorte d’escouade Marteau ou une commission Charbonneau, même après 30 ans d’exercices fiscaux. Il paraît qu’ici personne n’est exempt, pas même un politicien ou un entrepreneur. Contrairement à mon pays d’origine, où actuellement le favoritisme et le népotisme gangrènent au timon des affaires de l’État. Et c’est pour ça aussi que j’aime la nation québécoise.

Je ne souhaite pas trop me prononcer dans un dossier sensible comme la commission Charbonneau, j’avoue aussi que je ne connais pas tous les détails, mais je l’ai suivie avec intérêt. Je ne fais pas d’analyse approfondie. Je ne compte pas non plus jouer à l’autruche dans cette affaire. Je n’aime pas les dossiers chauds, ça me déprime. Et s’il y a un des mots ici qui s’accorde de plus en plus mal à la musique de mes tympans, ce mot s’appelle: La Construction.

Gilles se présente des fois comme une victime du système. Comme s’il ne savait pas que toutes médailles à des revers. C’est surprenant! Est-ce qu’on peut être innocent parce qu’on ne savait pas par coeur le code de déontologie d’une profession qu’on exerce depuis belle lurette?

Je vous raconte une ancienne histoire, celle d’OEdipe de Sophocle, vous le connaissez peut-être. Moi je vous la présente sous un autre aspect: un berger, ayant trouvé un nouveau-né abandonné, l’apporta au roi Polype qui l’éleva. Quand OEdipe fut grand, il rencontra sur un chemin de montagne un char où voyageait un prince inconnu. Ils se prirent de querelle, OEdipe tua le prince. Plus tard, il épousa la reine Jocaste et devint roi de Thèbes. Il ne se doutait pas que l’homme qu’il avait tué autrefois dans la montagne était son père et la femme avec laquelle il couchait, sa mère. Le sort s’acharnait entretemps sur ses sujets et les accablait de maladies. Quand OEdipe comprit qu’il était lui-même coupable de leurs souffrances, il se creva les yeux avec des épingles et, à jamais aveugle, il partit de Thèbes.

La commission Charbonneau fait sortir de l’ombre des vérités fondamentales: c’est que l’industrie de la construction au Québec a été façonnée par des criminels et des enthousiastes convaincus d’avoir découvert une voie du paradis. Aujourd’hui, ça commence à devenir clair comme le jour que le paradis était mal construit.

Je ne savais pas! J’avais été piégé! Je croyais! C’était le système!

Je m’excuse!

Je regrette!

Ce sont des mots qu’un accusé peut prononcer pour s’excuser ou pour se faire passer pour une victime.

Mon débat se ramenait donc à cette question: était-il vraiment conscient? Connaissait-il vraiment son code de l’éthique? Même si la justice le blâme ou le condamne. Les contribuables, à l’instar de sa famille si indulgente, à un moment donné, seront-ils prêts à lui pardonner sa cupidité et ses crimes?

Si on veut prendre en compte le mea-culpa Surprenant: «Je regrette amèrement tout ce qui s’est passé. Mes amis, mes parents, mes enfants, m’ont pardonné. Moi, je ne me pardonnerai jamais moi-même d’avoir fait ça.» Et, en se rappelant OEdipe, qui ne savait même pas qu’il couchait avec sa propre mère, et pourtant, quand il eut compris ce qui s’était passé, il ne put supporter le spectacle du malheur qu’il avait causé. Aujourd’hui, dans un sens figuré ou non propre, est-ce le triste cas Surprenant ?

Thélyson Orélien

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