Mo Yan: celui qui ne parle pas

Article : Mo Yan: celui qui ne parle pas
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11 octobre 2012

Mo Yan: celui qui ne parle pas

© Le Prix Nobel de Littérature 2012 décerné à Mo Yan (Ulf Andersen/Getty Images)

© Le Prix Nobel de Littérature 2012 décerné à Mo Yan (Ulf Andersen/Getty Images)

Par Thélyson Orélien

Mo Yan : C’est le nom de l’écrivain qui a remporté le Prix Nobel de Littérature cette année. Un pseudonyme qui signifie « Celui qui ne parle pas ».

L’Académie suédoise, en annonçant les résultats aujourd’hui, a déclaré qu’avec un réalisme hallucinatoire, Mo Yan 57 ans, fusionne les contes, l’histoire et le contemporain. Sa victoire fait de lui le premier écrivain chinois ayant remporté un Prix Nobel de Littérature de ses 111 ans d’histoire: bien que Gao Xingjian l’avait remporté l’an 2000, la différence de 2012, c’est que ce dernier émigré en France avait obtenu la nationalité française quelques années auparavant, et, bien que Pearl Buck a remporté le prix en 1938, pour ses descriptions riches et épique de la vie paysanne en Chine et pour ses chefs-d’œuvre biographiques, l’autre différence, est qu’elle est une auteure américaine.

Le prix Nobel va à l’écrivain qui aura produit dans le domaine de la littérature le travail le plus remarquable dans une direction idéale – comme tous les gagnants précédents – si on      peut citer quelques-uns, Samuel Beckett, Doris Lessing et, l’année dernière, le poète suédois Tomas Tranströmer.

L’écriture de Mo Yan, nom de plume de Guan Mo, tire sa fulgurance de son origine paysanne et de l’enfance. Après avoir quitté l’école à l’âge de 12 ans, l’auteur est allé travailler dans les champs, éventuellement pour recevoir une éducation dans l’armée. Son premier livre édité en 1981, mais il a trouvé le succès littéraire avec Le Clan du Sorgho, un roman qui a été également fait l’objet d’un film à succès international Le Sorgho rouge adapté au cinéma par le réalisateur chinois Zhang Yimou.

Il écrit à propos de la paysannerie, de la vie à la campagne, sur les gens qui luttent pour survivre, luttant pour leur dignité, parfois gagner, mais la plupart du temps perdu, a déclaré Peter Englund, auteur et historien, membre de l’Académie Suédoise. La base de ses livres a été posée quand, enfant, il écoutait les contes. Le réalisme magique et merveilleux, a été plusieurs fois utilisé à son sujet. Ce n’est pas quelque chose qu’il a ramassé de Gabriel García Márquez, mais quelque chose qui est bien à lui. Avec le surnaturel pour l’ordinaire, il s’agit d’un narrateur très original a poursuivi Englund.

L’éminent professeur de littérature chinoise Goldblatt Howard, celui qui a traduit de nombreuses œuvres de Mo Yan en anglais, a déclaré dans une récente interview à China Daily : L’écriture de Mo Yan est une grande œuvre audacieuse et imagée, une écriture puissante ou un solide noyau moral... Je vois un parallèle avec l’œuvre de William Vollmann de l’Europe centrale, dans son balayage historique (Le clan du Sorgho) et de la critique incisive de comportement monstrueux par ceux au pouvoir (La Mélopée de l’ail) dit G. Howard. Un petit coup d’œil au CETASE – Centre d’études de l’Asie de l’Est – Bibliothèque associée à la Bibliothèque des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Montréal, après l’annonce de Stockholm m’a permis de faire une levée de voile sur Le clan du Sorgho un roman composé de cinq histoires entrelacées, fixées sur plusieurs décennies au cours du 20e siècle et qui touche à des sujets tels que l’occupation japonaise et la vie difficile des travailleurs agricoles pauvres. Mo Yan est l’auteur de quelques 80 romans, essais et nouvelles dont GrenouillesBeaux seins belles fesses et Le supplice du santal entre autres, une œuvre qui dépeint l’histoire de la Chine en alliant humour paillard, de la violence et de l’imagerie gore. Mo Yan brosse un portrait unique de la Chine des années 1900, et dramatise habilement la situation intenable d’une société.

Mo Yan – ce qui signifie : celui qui n’a pas le droit à la parole ou littéralement celui qui ne devrait pas parler, a prouvé tout le contraire et a finalement été salué par les membres de la prestigieuse Académie Suédoise. C’est un grand écrivain, indépendamment de tous mensonges publicitaires et, même si la majorité de ses œuvres ont été reprises ou traduites chez des maisons d’édition plus ou moins modèles en France comme Caractères, Seuil ou Actes Sud, il sera désormais mieux connu de partout en tant qu’écrivain ou artiste. Voilà de bonne nouvelle pour tous les écrivains moins connus, qui ne parlent surtout pas, ou qui ne trouvent pas de l’ouverture pour parler assez, mais qui peuvent éventuellement ou à n’importe quel moment étonner le monde. Le monde aime ça… Mo Yan nous apporte de plus près le repère de l’anonymat.-

Thélyson Orélien in LaPresse

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